Chronique d'une semaine ordinaire

Lundi

Alors que je cherchais tout à fait autre chose, j'ouvre le placard d'une collègue et - ô surprise - une liasse toute bien emballée dans du papier kraft... mais kézako, ça ? La collègue en question me répond : "oh ça, je sais pas trop, c'est l'ancienne directrice qui me l'a donné pour que je le classe mais j'ai pas encore eu le temps de m'en occuper" - " euh, ça fait 5 ans qu'elle est partie l'ancienne directrice et moi, ça fait 2 ans que je tente de faire un inventaire sommaire du vrac mais bon [restons zen] tu sais pas du tout de quoi il s'agit, de quand ça date... non, rien du tout...Ok..., ben donne-le moi alors parce que moi, je peux pas m'empêcher de satisfaire ma curiosité...
Eh là, me voilà partie pour un voyage dans le temps tel que je les aime, et qui m'émeut de plus en plus au fur et à mesure que je feuillette ces avis de recherche de familles désespérées qui, la guerre terminée, n'ont toujours pas de nouvelles de leurs proches arrêtés et emmenés on ne sait où; ou les lettres de cette mère à celui qui a hébergé son fils avant qu'il ne soit fusillé et qui, on l'apprend au fur et à mesure, cherche d'abord ce qui lui est arrivé puis, quand est-il mort et enfin, où est-il enterré... La charge émotionnelle de ces documents , même des décennies après leur rédaction, est toujours aussi intense et nous permet d'aborder l'histoire à travers des destins individuels qui nous parlent beaucoup plus que les livres d'Histoire avec un grand H...

Mardi

La ville a décidé d'acheter un bâtiment pour reloger les services administratifs trop à l'étroit et - ô miracle - les archives en font partie et - ô 2nd miracle - toutes les archives ne vont certes pas déménager (on n'est pas à Lourdes quand même) mais on accepte au moins de discuter avec moi, de l'aménagement de locaux d'archivage intermédiaire !!! Alors là, grosse pression, il va falloir que j'assure et que je sois convaincante, on ne me donnera peut-être pas d'autre chance de m'exprimer de façon aussi officielle, que dois-je faire de plus que je n'ai déjà fait depuis 5 ans pour que l'on m'écoute cette fois ? Je dois absolument prendre une décision...... mini -jupe ou crise de larme ? J'hésite, peut-être les 2, comme ça si ça ne marche pas, je n'aurais pas de regrets...

Mercredi

Pour la 2ème année consécutive, appel de la DRH qui ne comprend toujours pas nos demandes d'inscription au stage "Monter une exposition dans un service d'archives". La question est encore la même : quel est le rapport entre expositions et archives ? Est-ce vraiment utile à la collectivité ? Donc, je réexplique (mais comment répondre à ça??) calmement tout en me disant : mais, est-ce toi qui t'exprimes mal ou as-tu à faire à une bande d'ignares totalement obtus ? Je choisis la 2ème solution, au risque de paraître prétentieuse ou élitiste mais bon, si je commence à douter de moi et de mon travail, je suis fichue...

Jeudi

Rencontre avec un collectionneur passionné par l'histoire de sa ville qui, par l'intermédiaire d'un autre chercheur, a accepté de me montrer sa collection. 1ère réaction après m'avoir dit bonjour du bout des lèvres : "mais, c'est une gamine, elle y connaît rien !!" Alors là, 2 solutions s'offrent à moi : je lui fais bouffer ses cartes postales ou alors, je prends mon plus beau sourire et fais la gourde admirative - oh là là, c'est trop trop beau ce que vous avez et puis, vous savez tellement de choses!! - J'ai finalement choisi une solution intermédiaire : une dose de flatterie avec un zeste de connaissances historiques pour que , au bout du compte, le bonhomme ne veuille plus me laisser partir! Mission accomplie : peut-être va-t-il coucher mon service sur son testament... (ouh là là, que je suis méchante, mais bon c'est normal, c'est la fin de la semaine...)

Vendredi

Tiens, le stabilo bleu pour l'échantillonnage alphabétique, je n'y aurais jamais pensé!
Et ceci est l'oeuvre d'archivistes, euh non, d'agents du service des archives!!

Conclusion :

C'était pas une si mauvaise semaine en fait!! La seule chose que je retiens finalement, c'est la découverte fortuite d'une certaine liasse d'archives emballée dans du papier kraft depuis des années....

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Youpi, je ne suis pas encore blasée par tous les petits tracas quotidiens et j'ai le sentiment que je ne le serais jamais, du moins tant qu'il y aura des archives oubliées à découvrir au fond des placards, et ça, ça n'est pas près de s'arrêter !!!